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La résilience numérique : comment s’ affranchir de notre dépendance digitale

Cela fait quelque temps que je n’ai pas écrit de billet. Le flux incessant d’ informations inquiétantes en provenance de l’ autre côté de l’ Atlantique m’ a un peu déboussolé. Je me suis donc dit que j’ allais essayer de me ressaisir en écrivant un article sur un sujet de circonstance : la résilience numérique.

Il semble que nous nous acheminons vers une guerre commerciale entre les Etats-Unis et l’ Union Européenne. Or, les flux de services digitaux entre les USA et l’ Europe représentant une part importante de ces volumes d’ échange, on ne peut exclure que ces derniers se retrouvent pris en otage si la guerre commerciale entre les deux blocs venait à dégénérer. Notre dépendance aux infrastructures digitales et aux services en ligne américains est indéniable: la majorité des infrastructures digitales et des services en ligne utilisés en Europe sont hébergés aux États-Unis. Cela inclut les services de messagerie, les réseaux sociaux, le cloud computing, les paiements en ligne, etc…

Le scénario du pire serait une interruption du trafic digital transatlantique et/ou une suspension des services pour les clients européens, décidée par les autorités américaines et imposée à leurs entreprises privées. L’ interruption de la fourniture d’images satellites par la société américaine MAXAR à l’ Ukraine, sur décision de l’ administration américaine, préfigure ce qui pourrait se produire à plus grande échelle à l’ avenir.

Face à ces risques, la résilience numérique désigne notre capacité à continuer à fonctionner et vivre dans le monde digital malgré des perturbations des infrastructures qui sous-tendent ces services.

A quels risques sommes-nous exposés ?

Ils sont principalement de deux types.

Premièrement, une interruption des flux de données entre Europe et USA signifierait l’ inaccessibilité des données dans les datacenters américains ainsi que des services en ligne directement fournis par ces derniers. Sites web, réseaux sociaux et applications de type Software-as-a-Service seraient alors directement impactés.

Deuxième risque, une interruption de type contractuel : suspension des contrats de maintenance et de mise à jour des logiciels made in USA voire interruption des licenses. Dans ce cas ce sont les logiciels installés localement qui risquent d’être impactés , soit totalement (interruption ou non-renouvellement de licenses), soit par une lente dégradation de leurs fonctionnalités et de leur sécurité (suspension des maintenances et mises à jour).

Le matériel physique est le moins impacté : une fois que vous le possédez il sera difficile de l’ empêcher de continuer à fonctionner, mais la dépendance au matériel se fait indirectement via le système d’ exploitation et les systèmes de sauvegarde dans le cloud.

Voyons donc comment améliorer notre résilience numérique face à ces risques.

Que pouvons-vous faire ?

La réponse est simple en théorie : migrer autant que possible vers des services offerts par des entreprises européennes et hébergés dans l’ Union Européenne. En pratique, c’est nettement plus compliqué. Il faut distinguer ce qui est nécessaire de ce qui n’ est que confort et fixer ses priorités. L’ indisponibilité d’ un réseau social n’ est souvent qu’ un désagrément là où l’ interruption des services de messagerie ou de paiement en ligne posera un problème majeur.

Commençons par l’ hébergement de domaines et de sites si vous en possédez : nom de domaine, serveur DNS, hébergement des pages web et d’ adresses mail devraient être migrés vers des fournisseurs de service cloud européens comme Combell et Easyhost en Belgique, OVHcloud en France ou encore Hetzner en Allemagne.

Une difficulté particulière se pose avec les adresses mail de type hotmail ou gmail qui ne peuvent être transférées telles quelles. Il faut alors créer de nouvelles adresses mail et les utiliser pour les échanges, ce qui demande de prévenir les contacts et de les informer de la nouvelle adresse. De plus, les comptes gmail sont aussi souvent utilisés pour l’ authentification sur d’ autres sites, il faudra donc s’ assurer que vous possédez des systèmes d’ authentification alternatifs pour ces sites.

Passons à un sujet qui me tient à coeur : l’ accès aux modèles de langage comme ChatGPT ou Claude. Ceci est facile à transférer, car une alternative française de qualité existe : Mistral. J’ ai résilié mon abonnement à ChatGPT Plus pour en prendre un abonnement Mistral Pro pour un prix d’ ailleurs un peu inférieur (15 euros au lieu de 20 USD). Pour ceux qui utilisent les interfaces de programmation (API), le basculement est lui aussi assez simple.

Autre point à prendre en considération pour la résilience : les applications en ligne accessible via le Web. Difficile de toutes les citer tant elles sont nombreuses mais je vous conseille de réfléchir à celles dont la perte aurait des conséquences significatives pour vous. Je pense notamment aux applications de paiement en ligne comme Paypal, de stockage de documents comme Google Drive ou Dropbox, logistiques comme Amazon ou de transport comme Uber. Il est probablement excessif de les remplacer d’ emblée mais identifer à l’ avance des alternatives européennes -quand elles existent- n’ est pas une mauvaise idée.

Les services de messagerie instantanée sont un autre point d’ intérêt. WhatsApp, Snapchat et Facebook Messenger sont américains, Telegram est russe, Signal est américain mais hébergé en Suisse. Viber est israélien et WeChat chinois. En fin de compte, il ne reste qu’ Element et Threema qui sont européens mais pas encore très utilisés… Element est un service de messagerie instantanée basé sur le protocole Matrix qui est un standard ouvert. Threema est un service de messagerie instantanée qui est basé sur le protocole Signal mais qui est européen. Je me suis inscrit sur Element et j’ ai commencé à l’ utiliser, tout en continuant à utiliser principaleent Whatsapp. Mais je puis basculer rapidement si nécessaire.

Passons au plat de résistance : les sytèmes d’ exploitation des ordinateurs et les sauvegardes de données dans le cloud. Microsoft et Apple étant américains, non seulement il existe un risque d’ interruption des licenses mais les sauvegardes de données dans le cloud (iCloud pour Apple et OneDrive pour Microsoft) sont hébergées aux États-Unis et donc à risque elles aussi. La seule alternative réaliste est d’ utiliser Linux mais ce dernier s’ adresse plutôt aux utilisateurs expérimentés et il faudra le coupler à un service de sauvegarde de fichiers dans le cloud comme pCloud (Suisse) ou faire des copies de sauvegarde locales.

La situation pour les solutions de bureautique est plus facile. LibreOffice qui est open-source offre une alternative résiliente à Google Cloud et Microsoft Office 365. LibreOffice offre aujourd’ hui une assez bonne compatibilité des formats de fichiers malgré une interface qui reste un peu plus rustique que celle de Microsoft Office.

Terminons par les smartphones où l’ européanisation relève encore de la gageure. La seule possibilité est de choisir un système d’ exploitation open-source comme LineageOS ou GrapheneOS, tous deux dérivés d’ Android, ou Ubuntu Touch, dérivé de Linux. Mais la compatibilité avec les applications Android restera limitée. Il faudra ensuite trouver un fabricant proposant un smartphone supportant ces systèmes d’exploitation, comme OnePlus, PinePhone ou un Pixel de Google.

Plus généralement, le site goeuropean.org permet de lister des alternatives européennes pour une large gamme de produits et services. La figure ci-dessous montre une liste de fournisseurs européens pour les principaux services digitaux :

Figure 1 : Liste des principales alternatives digitales européennes (source : buy-european-made.org)

Autres élements à prendre en compte

Ces mesures de résilience digitale complètent les recommandations générales des pouvoirs publics en matière de résilience pour les autres besoins de base tels que la nourriture, l’eau potable, l’argent liquide… L’objectif est d’atteindre une autonomie suffisante, permettant aux citoyens de subsister en cas d’interruption temporaire des services essentiels, par exemple lors d’une cyberattaque grave. Voous trouverez ici un article présentant la situation actuelle du plan de résilience pour la population belge.

Un autre élément à prendre en compte est l’ alimentation électrique. En effet, la résilience digitale implique aussi que vous disposiez d’ une alimentation électrique pour faire fonctionner votre matériel informatique et recharger vos smartphones.

Pour cela, vous pouvez envisager une solution de stockage d’ énergie dans une batterie qui peut être alimentée par différentes sources comme des panneaux solaires déployables en cas de besoin (sur votre terrasse ou dans votre jardin par exemple). Je vous conseille par exemple de jeter un oeil sur les produits de la société Bluetti ici.

Conclusions

Si ce qui précède peut sembler excessivement pessimiste, je pense néanmoins que chaque entreprise et chaque individu devrait se poser la question de sa propre résilience numérique et de la manière dont il peut la renforcer.

Pour les entreprises, il est temps d’ inclure ce type de scénario dans les exercices de gestion des risques.

Troublé par les derniers événements, j’ ai commencé à mettre en place mon propre plan de résilience numérique et je me suis rendu compte de la complexité de l’ exercice. C’est pourquoi j’ ai tenu à rédiger cet article à des fins de sensibilisation.

Je vous encourage à y réfléchir. Un homme averti en vaut deux.

Cinq étapes vers l’ Intelligence Artificielle Générale

L’ intelligence artificielle générale (AGI) désigne un type d’ IA qui possède la capacité de comprendre, d’ apprendre et d’ effectuer toute tâche intellectuelle qu’ un humain est en mesure de réaliser. Sans surprise, la quête incessante de cette intelligence artificielle générale captive les énergies des chercheurs et l’ imagination du public.

Mais quel chemin suivre pour y arriver ?

Un document interne d’ OpenAI contenant une « feuille de route » pour atteindre l’ AGI a fuité au mois de juillet. Cette feuille de route a ensuite été confirmée par Sam Altman (CEO d’ OpenAI) en septembre, il s’ agit donc d’ une information validée. Dans cet article, je vais présenter le contenu de cette feuille de route. Elle décrit cinq étapes à franchir sur la route vers l’ AGI.

Il est important de présenter cette feuille de route car il ne fait pas de doute que les grands acteurs de l’ IA entrevoient l’ existence d’ une IA généraliste dans un futur relativement proche (5 à 10 ans). J’ai déjà couvert ici l’ article de Dario Amodei, CEO d’ Anthropic. L’ article de Sam Altman The Intelligence Age accessible ici va dans le même sens et Demis Hassabis, PDG de Google Deepmind est lui aussi très ambitieux, comme il l’ a mentionné dans une récente interview accessible ici.

Bien sûr, ces personnages sont juges et partie et profitent du battage médiatique et de l’ intérêt que leurs déclarations suscitent, mais ils sont aussi les mieux placés pour savoir sur quoi leurs départements de R&D travaillent et quels résultats ils obtiennent. Ils peuvent aussi être victimes de leurs propres biais, mais au vu du chemin parcouru, il me semble légitime de prendre leurs déclarations au sérieux.

Présentation de la feuille de route

La feuille de route d’ OpenAI pour atteindre l’ AGI comporte cinq niveaux qui sont décrits dans la figure 1 et détaillés ci-dessous.

Figure 1 : Les cinq niveaux vers l’ AGI (crédit : Tomshardware)

Niveau 1 : Les Dialogueurs

Le premier niveau est celui des « Chatbots », ou « IA avec langage conversationnel », dans lequel les ordinateurs peuvent interagir avec les gens à travers une conversation naturelle.

Cela a été réalisé avec GPT-3.5 dans la première version de ChatGPT et était déjà possible avant cela, mais de manière moins efficace ou avec une conversation moins naturelle. Les grands modèles nativement multimodaux tels que GPT-4o, Gemini Pro 1.5 ou Claude Sonnet 3.5 répondent pleinement à toutes les exigences de ce niveau. Ils sont capables de conversations complexes et peuvent effectuer un raisonnement limité. Nous pouvons donc raisonnablement dire que le niveau 1 est atteint.

Niveau 2 : Les Raisonneurs

L’ étape suivante, le niveau 2, introduit les « raisonneurs » – des systèmes d’ IA capables de s’ attaquer à des problèmes complexes avec la compétence d’ experts humains, et ce sans devoir recourir à des outils extérieurs. Atteindre le niveau 2 signifierait un moment charnière, car cela représente une transition de l’ imitation du comportement humain à la démonstration de véritables prouesses intellectuelles.

Si nous n’ en sommes pas encore là, il est indéniable que les grands acteurs cherchent à améliorer les capacités de raisonnement de leurs modèles. OpenAI a mis à disposition le modèle o1-preview qui offre de performances supérieures aux modèles comme GPT-4o en termes de raisonnement. Et il y a quelques jours, la société chinoise DeepSeek AI a publié un modèle de raisonnement open-source appelé DeepSeek-R1-Lite-Preview; il s’ agit donc d’ un domaine qui devient compétitif et il n’y a rien de tel pour stimuler les progrès…

Vu l’ importance de ces modèles « raisonneurs » sur la route vers de l’ Intelligence Artificielle Générale, j’ y consacrerai un prochain article.

Niveau 3 : Les Agents autonomes

Le niveau 3 de la feuille de route envisage des « agents », c’ est-à-dire des systèmes d’ IA capables de fonctionner de manière autonome pendant de longues périodes, exécutant un ensemble d’ actions dans le but de mener à bien une tâche qui leur est assignée.

Ces agents pourraient transformer les industries en prenant en charge des tâches complexes, en prenant des décisions et en s’ adaptant à des circonstances changeantes sans surveillance humaine constante.

Il faut cependant se garder de toute confusion : le terme d’ « agent  » est actuellement utilisé pour décrire des modèles de langage auxquels on a greffé des outils capables d’ interagir avec le monde extérieur via des interfaces.

Ces « agents » ne répondent pas aux exigences des agents IA décrits dans ce niveau 3 de la feuille de route, qui implique une capacité de raisonnement appliquée de manière répétitive pour « refermer la boucle » entre l’ observation de l’ état d’ avancement de la tâche et le choix de nouvelles actions visant à se rapprocher du but.

Aucun système de ce niveau n’ existe sur le marché à ce jour. Des rumeurs font état du développement par OpenAI d’ un produit appelé « Operator » qui serait une première tentative pour offrir un produit de ce type. A suivre…

Niveau 4 : Les Innovateurs

Au niveau 4 de la feuille de route, l’ IA devient un innovateur.

Les systèmes à ce stade possèderont la créativité et l’ ingéniosité nécessaires pour développer des idées et des solutions originales. Une fois arrivés à ce niveau, les agents ne se limitent plus à exécuter les processus de manière compétente comme au niveau 3, mais les améliorent et en inventent de nouveaux plus efficaces. En parallèle, ces agents stimuleraient l’ innovation et le progrès dans divers domaines.

Niveau 5 : Les Organisateurs

Le sommet de la feuille de route d’ Open est le niveau 5, qui implique une intelligence artificielle capable d’ effectuer le travail d’ une organisation entière. Toutes les fonctions de l’ organisation, qu’ elles soient opérationnelles ou conceptuelles, sont réalisées par des agents IA qui travaillent ensemble, apportent des améliorations et exécutent tout ce qui est nécessaire sans qu’aucun humain ne soit directement impliqué.

A ce moment, l’ Intelligence Artificielle Générale est atteinte.

Que faut-il en penser ?

La question est de savoir si les technologies actuelles (Deep Learning en tête) sont suffisantes pour atteindre l’ AGI ou pas.

Comme je l’ ai dit dans l’ introduction, les principaux dirigeants des géants de la tech semblent considérer que ces technologies sont suffisantes et que les principaux défis qui restent sont essentiellemnt des facteurs d’ échelle et de combinaison d’ algorithmes. Leurs scénarios se basent donc sur des extrapolations de la situation actuelle ce qui les amène à émettre des pronostics assez agressifs (AGI dans la décennie).

Cet avis n’est cependant pas partagé par l’ ensemble de la communauté des chercheurs. Des chercheurs réputés comme Yann Le Cun ou Gary Marcus estiment au contraire que l’ apprentissage profond ne suffira pas et qu’il faudra inventer des architectures entièrement nouvelles pour surmonter les points faibles des techniques actuels. Ceci les amène naturellement à des évaluations plus conservatrices quant à l’ apparition de l’ AGI.

Leurs idées pour remédier aux manquements de l’ IA actuelle diffèrent cependant : si Gary Marcus estime nécessaire de réintroduire des approches symboliques pour permettre le raisonnement déductif, Yann Le Cun insiste plutôt sur le besoin de disposer d’ un modèle prédictif du monde…

Sources et références

Les Machines Gracieuses : résumé d’ un essai de Dario Amodei, PDG d’ Anthropic

Dario Amodei est le PDG d’ Anthropic, un des principaux acteurs de l’ IA générative qui a produit le modèle Claude. Il a récemment publié un texte très intéressant sur les conséquences possibles de l’ IA sur la société dans les prochaines années. Intitulé Machines of Loving Grace, ce texte, assez long et détaillé, est accessible ici.

Illustration : les Machines Gracieuses

Je trouve cet exercice très intéressant et je vais tenter d’ en résumer les principaux enseignements dans l’ article qui suit.

Le texte s’ inscrit dans une série de déclarations ambitieuses de la part des principaux acteurs du secteur, à savoir Sam Altman d’ OpenAI dans son texte The Intelligence Age ainsi que l’ interview de Demis Hassabis, PDG de Google Deepmind au Time Tech Summit 2024. Vous trouverez les liens ci-dessous en référence et si vous en avez le temps et l’ intérêt, je ne puis que vous encourager à les consulter.

Ces discussions tournent autour de la création d’ une intelligence artificielle « généraliste » (AGI en Anglais) dans un avenir relativement proche. La définition de cette AGI reste floue mais cette dernière serait globalement aussi capable et versatile qu’ un expert humain et ce dans tous les domaines, disposerait d’une capacité à agir de manière autonome dans le domaine digital voire dans le monde physique (robotique); par ailleurs, cette AGI serait en mesure de planifier et exécuter des tâches complexes pouvant demander des heures, des jours ou des semaines pour être menées à bien.

Il est frappant que l’ article de Dario Amodei suggère qu’ une telle AGI (qu’ il préfère appeler Powerful AI) pourrait apparaître à partir de 2026 dans scénario le plus optimiste. Étant donné que nous sommes à la fin de l’année 2024 et que le cycle de la recherche à la production d’une IA est d’environ 18 mois, cela implique que plusieurs directions de recherche actuelles pourraient effectivement porter leurs fruits, et il est bien placé pour savoir ce qui se passe dans ses laboratoires…

L’ article décrit avec beaucoup de clarvoyance et d’ équilibre les impacts potentiels de l’ appartition d’ une telle intelligence artificielle généraliste sur la société et sa transformation endéans les 5 à 10 ans après l’ apparition de l’ AGI. Loin des rêveries transhumanistes et de la singularité exponentielle quasi-instantanée chère à Ray Kurzweil, l’ analyse de Dario Amodei prend sobrement en compte les goulets d’ étranglement du monde physiques et les délais de transformation inhérents à chacun de ces secteurs.

De même, il écarte le scénario de l’immobilisme, selon lequel l’intelligence est paralysée par la réglementation et rien ne se passe. Au lieu de cela, il choisit une voie médiane : une intelligence d’abord limitée par toutes sortes de murs, qu’ elle s’ efforce d’ escalader et de surmonter.

Que pouvons-nous donc attendre dans les 5 à 10 ans après l’ an zéro de l’ AGI, que ce dernier soit en 2026 ou quelques années plus tard ?

1. Biologie, neurosciences et santé

L’ un des principaux obstacles à l’ accélération des découvertes biologiques est le temps nécessaire pour les expérimentations sur des cellules, des animaux ou des humains, qui peuvent durer des années. De plus, même lorsque des données sont disponibles, elles sont souvent incomplètes ou entâchées d’ incertitude, compliquant l’ identification précise d’ effets biologiques spécifiques. Ces défis sont aggravés par la complexité des systèmes biologiques, où il est difficile d’ isoler et d’ intervenir de manière prédictive.

L’ auteur souligne qu’ il veut utiliser l’ IA non pas comme un outil d’analyse de données, mais comme un chercheur à part entière qui améliore tous les aspects du travail d’ un biologiste, de la définition à l’ exécution d’ expériences dans le monde réel. Il souligne que la plupart des progrès en biologie proviennent d’ un petit nombre de percées majeures telles que CRISPR pour les manipulations génétiques ou les vaccins à ARN messager, et qu’il y a en moyenne une de ces découvertes majeures par an.

L’ IA pourrait multiplier par dix le rythme de ces découvertes, permettant de réaliser en 5 à 10 ans les progrès que les humains auraient faits en 50 à 100 ans. Des percées comme AlphaFold, qui a révolutionné la compréhension des structures protéiques, montrent d ores et déjà le potentiel de l’ intelligence artificielle pour transformer la biologie.

Cela pourrait conduire à l’ élimination des maladies infectieuses, la prévention de la plupart des cancers, la guérison des maladies génétiques et même la prévention d’ Alzheimer. Il ne considère pas les essais cliniques comme un obstacle. Les essais cliniques sont longs parce que nos médicaments sont mauvais et qu’ ils ne donnent généralement pas d’ indications claires sur leur efficacité. Cela changera si l’ IA ne produit que les médicaments les plus efficaces, avec des techniques de mesure améliorées et des critères d’ évaluation plus précis.

Dario Amodei voit un potentiel analogue dans le domaine des neurosciences, avec l’ élimination de la plupart des maladies mentales comme la schizophrénie, le stress post-traumatique ou l’ addiction à travers une combinaison de développements de nouveaux médicaments et de thérapies comportementales. La possibilité de traiter des maladies mentales ayant des causes neuro-anatomiques comme la psychopathie semble possible mais moins probable.

De tels développements -entraînant une augmentation significative de la durée de vie en bonne santé- auraient un impact positif majeur sur la sécurité sociale et son financement. Il est cependant probable que d’ autres défis apparaîtraient alors comme celui de modifier en profondeur nos infrastructures sociales, y compris les mécanismes de départ à la retraite, ainsi que d’ offrir l’ accès le plus large possible à ces technologies.

2. Aspects socio-économiques et politiques

L’ accès aux nouvelles technologies, notamment en matière de santé, ne va pas de soi. La disparité des conditions de vie entre les pays développés et les pays en développement, où le PIB par habitant en Afrique subsaharienne est d’environ 2 000$, contre 75 000$ aux États-Unis, est alarmante. Si l’ IA améliore uniquement la qualité de vie dans les pays riches, cela constituerait un échec moral majeur. L’ idéal serait que l’ IA aide également le monde en développement à rattraper les pays riches.

Cependant, Dario Amodei est moins confiant dans la capacité de l’ IA à résoudre les problèmes d’ inégalité économique, car l’économie dépend largement de facteurs humains et de la complexité intrinsèque des systèmes économiques. La corruption, omniprésente dans certains pays en développement, complique encore la tâche, mais il reste optimiste quant au potentiel de l’ IA pour surmonter ces défis.

L’ IA pourrait aussi contribuer à la sécurité alimentaire et à la lutte contre le changement climatique, des enjeux particulièrement pressants pour les pays en développement. Les technologies agricoles et les innovations pour atténuer les effets du changement climatique, comme l’ énergie propre ou l’ élimination du carbone atmosphérique, devraient aussi bénéficier des avancées en IA.

Sur le plan politique, Dario Amodei examine la question de savoir si l’ IA favorisera la démocratie et la paix, ou si elle pourrait au contraire renforcer l’ autoritarisme. Même si l’ IA réduit la maladie, la pauvreté et les inégalités, il reste la menace des conflits humains et de l’ autoritarisme. L’ auteur souligne que l’ IA pourrait tout aussi bien servir les « bons » que les « mauvais » acteurs, en particulier en matière de propagande et de surveillance, deux outils majeurs des régimes autoritaires.

Au niveau interne, l’ auteur pense que si les démocraties dominent l’ IA sur la scène mondiale, cela pourrait favoriser l’ exercice démocratique. L’ IA pourrait contrer la propagande autoritaire en offrant un accès libre à l’ information et des outils pour affaiblir les régimes répressifs, tout en améliorant la qualité de vie des citoyens, ce qui, historiquement, a tendance à encourager la démocratie. En outre, l’ IA pourrait aider à renforcer les institutions démocratiques en rendant les systèmes judiciaires plus impartiaux et en réduisant les biais humains dans les décisions juridiques. Elle pourrait également améliorer l’ accès aux services publics, renforcer la capacité des États à répondre aux besoins de leurs citoyens et réduire le cynisme à l’ égard du gouvernement. L’ idée est que l’ IA pourrait jouer un rôle central pour améliorer la transparence, l’ impartialité et l’ efficacité des systèmes démocratiques.

3. Travail et valeurs

Dans un monde où l’ IA se révèle capable de faire tant de choses, quelle valeur encore accorder à l’ éducation, à l’ effort, au travail et à la rémunération de ce dernier ?

Dario Amodei fait deux constats : le premier est que notre société est organisée de manière à traiter les déséquilibres macroéconomiques de manière progressive et décentralisée. C’est un point que j’ avais également fait dans mon article sur les risques structurels de l’ IA accessible ici. Cela ne constitue pas une garantie absolue de succès mais nous disposons à tout le moins d’ institutions représentatives et en principle capables de traiter ce genre de questions si les bouleversements ne sont pas trop rapides.

Le second est que ce n’ est pas parce qu’ une IA peut faire votre travail mieux que vous que votre travail perd sa valeur ou sa signification. Ce n’ est pas parce que vous ne courrez jamais aussi vote qu’ Usain Bolt que vous abandonnez le jogging. L’ immense majorité des gens ne sont exceptionnels en aucun domaine et cela ne semble pas les gêner outre mesure ni les empêcher de vivre ni de gagner leur vie. Par ailleurs, beaucoup de gens passent une partie importante de leur vie à effectuer des activités non-productives comme jouer à des jeux vidéos…Ce que les gens recherchent avant tout, c’est un sens de l’ accomplissement.

Et il suffit que certaines tâches restent comparativement plus difficiles pour des IA pour que les humains conservent une vraie valeur ajoutée. L’ interaction avec le monde physique restera probablement un de ces domaines, au moins dans un premier temps.

Sur le plus long terme, si des IA devaient devenir supérieures aux humains en tous points, il faudrait alors engager une discussion plus large sur notre modèle socio-économique, mais les structures sont en place pour ce faire, d’ autant plus que ces transitions devraient être progressives. La forme définitive que prendrait notre société est difficile à estimer aujourd’ hui. Mais une chose à la fois…

4. Conclusion

Ma réserve principale quant à ce texte remarquable est qu’ il ne aborde pas deux autres domaines où l’ IA peut jouer un rôle transformationnel : l’ éducation et la recherche scientifique non liée aux sciences du vivant. Quoi qu’ il en soi, l’ ajout de ces deux élements supplémentaire ne ferait que renforcer l’ impression d’ensemble qui se dégage du texte…

Je ne peux qu’ en appeler à tout le monde : prenez cela au sérieux ! Si les scénarios décrits ci-dessus ne sont pas certains, ils sont plausibles et ce qu’écrit Dario Amodei n’ est pas insignifiant, ni sans intérêt.

Nous devons en parler maintenant et réfléchir à ce à quoi notre monde pourrait ressembler dans cinq ou dix ans. Car l’ intelligence artificielle pourrait bien bouleverser nos vies bien plus vite que prévu, et nous nous trouvons ici en face d’ une transformation potentiellement plus profonde que celle que nous avons connue avec les ordinateurs ou Internet.

5. Notes et références

Intelligence artificielle et désinformation

Le problème de la désinformation est très ancien. Discerner le vrai du faux est souvent une tâche ardue, surtout quand la manipulation est volontaire et réalisée par des spécialistes décidés à influencer l’ environnement informationnel pour leur propres fins. La démocratie reposant sur l’ avis de ses citoyens et cet avis dépendant des informations dont ils disposent, il y a un avantage politique évident à tirer de l’ instrumentalisation de l’ information.

Il n’ est donc pas étonnant que ce type d’ exploitation remonte à la nuit des temps. Dès la Grèce antique, Thucydide se plaignait du peu d’ effort que le peuple fait dans la recherche de la vérité, préférant prendre pour argent comptant la première histoire qu’ il entend. A la même époque, les sophistes enseignent aux politiciens comment convaincre les électeurs de prendre leur parti, indépendamment de la pertinence de leurs idées. Et quiconque a dû traduire dans sa jeunesse des passages de La Guerre des Gaules se rend vite compte que cet ouvrage relève plus de la propagande politique que de la narration objective.

Aujourd’ hui, la situation est plus complexe et -en toute logique- pire que dans le passé, et ce pour trois raisons.

Tout d’ abord, les technologies digitales permettent la diffusion de l’ information à grande échelle et à moindre coût. Ensuite, les médias sociaux créent une nouvelle dynamique informationnelle dans laquelle il est à la fois possible d’ atteindre une audience massive sans filtrage préalable, mais également de diffuser ces informations sous le couvert de l’ anonymat. Troisièmement, le déluge de données générées par ces technologies rend possible le recours à l’ Intelligence Artificielle à ces fins de génération de contenu et de ciblage comme nous le verrons plus bas.

Par ailleurs, si la politique et les relations internationales constituent le terrain d’ affrontement informationnel le plus visible, certains acteurs économiques agissent de la même manière. Le point de contention étant ici souvent la toxicité ou la dangerosité de certains produits, le lieu de l’ affrontement se déplace vers le monde scientifique : études orientées, chercheurs décrédibilisés, instillation de doutes sur certains résultats défavorables, crédibilisation à travers des alliances avec des acteurs académiques ou professionnels… La saga du lien entre tabagisme et cancer, ou de celui entre énergies fossiles et réchauffement climatique sont révélatrices de ce genre de pratiques. Il faut cependant éviter ici une grille d’ analyse trop catastrophiste ou unilatérale : la grande majorité des entreprises s’ abstiennent de recourir à ce genre de pratiques; par ailleurs les associations de consommateurs et les ONG qui leur font face ne sont pas nécessairement au-dessus de tout soupçon elles non plus.

1. Architecture d’une opération moderne de désinformation

Voyons maintenant l’ architecture d’ une opération de désinformation organisée, sans encore recourir à l’ IA.

Celle-ci va débuter par la mise en place d’ une équipe chargée de la création de contenus subversifs. Pour cela, différentes techniques sont possibles. La première est de se baser sur des articles existants puis de les réécrire de manière orientée. L’ avantage est que les médias existants fournissent une source inépuisable de contenus qui peuvent en outre être filtrés en fonction de la thématique poursuivie. La seconde approche consiste à inventer une histoire de toutes pièces et la rédiger en conséquence.

Figure 1 : Eléments d’ une opération de désinformation organisée

Une fois le contenu créé et quelle qu’en soit sa forme (texte, image, vidéo…) il faudra s’ assurer de la publication de ce dernier sur Internet. Et c’ est ici que les acteurs et les activités se multiplient… Blogs, sites d’ information et organisations fantoches serviront de relais aux informations produites. Idéalement, les sites d’ informations et blogs mélangeront l’ information fabriquée de toutes pièces à de l’ information réelle pour ne pas trop dévoiler leur jeu. Une autre stratégie judicieuse constitue à démarrer une activité et constituer un lectorat fidèle en ne publiant que des informations réelles dans un premier temps, pour n’ introduire que plus tard des contenus fallacieux. Enfin, les organisations fantoches se présentent sous la vitrine d’ une activité publique honorable mais servent en réalité une information « frelatée ». Pour finir, l’ ensemble de ces acteurs référeront mutuellement leurs publications afin de renforcer leur crédibilité mutuelle. Un article publié sur un site d’ information sera repris par un blog (éventuellement avec des commentaires positifs) et vice-versa…les désinformeurs les plus ambitieux vont même jusqu’à créer de toutes pièces des sites d’ information imitant les médias légitimes pour servir leur contenu.

Une fois cet écosystème auto-référençant en place, reste à « pousser » l’ information vers les utilisateurs finaux. En effet, même si certains viendront d’ eux-mêmes chercher l’ information sur ces sites, afin de maximiser l’ impact il vaut mieux contacter proactivement les personnes visées soit via les réseaux sociaux, soit par le biais d’ influenceurs.

Le recours aux réseaux sociaux se fait par l’ intermédiaire de profils anonymes ou usurpés. Un profil sera construit au fil du temps et chechera à atteindre une catégorie donnée d’ utilisateurs en présentant un contenu attractif pour ces derniers, en les contactant proactivement etc… les opérations de désinformation les plus élaborées établissent différents types de messages destinés à différentes catégories d’ utiliateurs et qui « résonnent » mieux avec les préoccupations de ces derniers.

Les influenceurs jouent un rôle analogue. Il s’ agira ici souvent de personnes connues créant des contenus vidéo sur Youtube et/ou Tiktok et qui vont mentionner les contenus manipulés au cours de leurs vidéos. Il est plus difficile de créer un influenceur qu’ un simple utilisateur de réseaux sociaux mais son impact sera plus grand.

Bien sûr, ce que je décris ci-dessus constitue une opération à grande échelle et il est possible de constituer une opération plus modeste, par exemple en se réappropriant des contenus générés par des tiers.

Le but d’ une opération de désinformation n’ est pas nécessairement de pousser le public à supporter une conviction ou une idée contre une autre. L’ objectif recherché est parfois de polluer simplement la sphère informationnelle afin de semer le doute sur la crédibilité des médias et des pouvoirs publics, voire de monter les gens les uns contre les autres à des fins de déstabilisation.

2. L’ Intelligence Artificielle comme arme de désinformation

Voyons maintenant comment l’IA peut renforcer l’ opération décrite ci-dessus. Cela se fera principalement en automatisant certaines étapes du processus.

Tout d’ abord, l’ étape de création du contenu peut être fortement accélérée via l’ IA générative. Rien de plus simple que de prendre un article existant et demander à un modèle de langage de le réécrire de manière orientée. Idem pour la création à partir de rien. Quelques lignes de texte et une explication claire de l’ objectif recherché suffiront à générer un contenu suffisamment convaincant pour la plupart des internautes. Générer des images ou des vidéos manipulées est également possible via la technique des deepfakes. L’ IA générative permet littéralement de créer des « pipelines » de désinformation largement automatisés…

Figure 2 : Opération de désinformation exploitant l’ IA

Ensuite l’ IA générative va permettre de créer des profils autonomes appelés bots sur les réseaux sociaux. Ils se voient attribuer des règles de comportement pour incarner une personne virtuelle et agiront et réagiront comme tels, encore une fois avec peu ou pas d’ intervention humaine. Twitter/X est notoirement sujet à ce phénomène et on y voit régulièment des bots démasqués par un utilisateur judicieux parvenant à détourner ses instructions, une technique appelée prompt injection en sécurité informatique…

Enfin, l’IA -non générative cette fois- va permettre de regrouper et d’ identifier les personnes ciblées par groupe démographique et géographique, préférences politiques et de consommation en fonction de leur comportement en ligne. Un tel profilage qui est pratique courante dans le secteur de la publicité peut également être utilisé dans le domaine des préférences politiques ou religueuses. Il ne restera alors qu’à choisir le bon message pour convaincre le citoyen ou l’ électeur indécis.

C’ est d’ ailleurs ce type de pratique qui est à la base du scandale de Cambridge Analytica qui avait détourné des informations de comportement des utilisateurs de Facebook à des fins de microciblage politique. Vous trouverez plus d’ informations ici sur cette affaire.

3. Illustration : l’ opération Doppleganger

L’ Opération Doppleganger est une opération de désinformation politique mise en place en mai 2022 par la Russie dans le but principal d’ affaibilir le soutien occidental à l’ Ukraine. Cette opération -toujours active- a pour but de répandre quatre narratifs dans la population occidentale :

  • les sanctions contre la Russie sont inefficaces;
  • les Occidentaux sont Russophobes;
  • l’armée ukrainienne est barbare et remplie de néo-nazis;
  • les réfugiés ukrainiens contituent un fardeau pour les pays qui les accueillent.

Doppleganger recourt à de faux sites d’ information qui imitent l’ apparence de médias reconnus comme Der Spiegel, Le Figaro , Le Monde et The Washington Post.

Les articles publiés par Doppleganger sont notoirement critiques du Président ukrainien Volodymyr Zelensky et ont dans le passé fait état de ses prétendues villas sur la Riviera ainsi que des goûts de luxe de son épouse, afin de les ternir à travers des insinuations de corruption… Un autre faux article faisait état d’une taxe de 1,5% sur toutes les transactions monétaires afin de financer la guerre en Ukraine. Pour ce dernier article, les faussaires n’ ont pas hésité à créer un faux site du Ministère des Affaires Etrangères français afin de rendre l’ information plus crédible.

La campagne a été démasquée par l’ EU Disinfo Lab en Septembre 2022. Vous trouverez plus d’ informations à son sujet ici.

Si l’ opération visait initialement l’ Europe, elle s’ est élargie aux Etats-Unis en 2023, et a récemment publié des images de stars américaines comme Beyoncé ou Taylor Swift soutenant un narratif prorusse ou anti-Ukrainien. Elle progage actuellement aussi de la désinformation relative au conflit entre Israel et le Hamas.

4. Réflexions

La désinformation délibérée et organisée dont je parle dans cet article n’ est qu’ une facette de la pollution informationnelle à laquelle nous sommes confrontés quotidiennement. Celle-ci comprend également les informations inutiles ou non demandées comme le spam, les informations destinées à exacerber les émotions telles que la peur ou la colère, certaines formes intrusives de publicité ou encore la mésinformation (personnes colportant de bonne foi une information incorrecte). La multiplicité de ces informations de faible valeur contribue à une surchage informationnelle pouvant amener au rejet et au doute généralisé, y compris envers les médias traditionnels.

Or l’ accès à une information de qualité est plus que jamais crucial. C’est pourquoi je suis convaincu que les médias traditionnels ont une carte importante à jouer en se repositionnant comme gardiens de l’ information correcte et objective. Si les pratiques et l’ éthique journalistique garantissent en général l’ exactitude factuelle de l’ information, il en va autrement pour le second critère : la plupart des médias suivent une ligne éditoriale particulière qui va analyser l’ information objective à travers un prisme subjectif. Prenez la même information et lisez-la dans le Figaro et dans l’ Humanité, vous n’en tirerez pas les mêmes conclusions. Mais il me semble que ceci nuit à la crédibilité des médias en les rendant acteurs du monde informationnel polarisé au-dessus duquel ils devraient s’ élever.

J’imagine donc dans l’ avenir des médias qui se réorienteraient vers un rôle de « fact-checkers » et de pourvoyeurs d’ information où les analyses seraient plus neutres et plus objectives. Il y a certainement une opportunité à saisir mais cela ne pourra fonctionner que si les médias sont perçus comme tels par le public. Il faudra que les médias communiquent sur eux-mêmes…

5. Sources et références